Qui dit enseignement supérieur, dit transformation digitale et innovations pédagogiques. Les manières d’enseigner évoluent, tout comme les attentes des jeunes et ceux du marché du travail, beaucoup plus portées sur le savoir-être et faire, la durabilité et la responsabilité de nos sociétés.
Les nouvelles évolutions de l’enseignement supérieur au sein du Pôle Léonard de Vinci et du cycle ingénieur à l’ESILV font l’objet d’une tribune publiée sur le site du Monde des Grandes Écoles et Universités.
Les auteurs sont Clément Duhart, Responsable du De Vinci Innovation Center, et Marc Teyssier, Principal Investigator DVIC, au Pôle Universitaire Léonard de Vinci.
Nous présentions les préludes d’une innovation pédagogique expérimentée au De Vinci Innovation Center du Pôle Universitaire Léonard de Vinci en 2017.
Aujourd’hui, nous partageons notre retour d’expérience, l’évolution donnée à la structure et notre réflexion sur la transformation du métier d’enseignant à l’ère des MOOCs.
Transformation digitale & nouvelles compétences : une évolution nécessaire de l’enseignement supérieur
Depuis une dizaine d’années, l’accès à des contenus numériques a profondément changé le rôle d’enseignant et plus largement la fonction d’un établissement scolaire.
Traditionnellement, l’enseignant, ou le sachant, distille ses connaissances aux apprenants à travers une série de cours magistraux mis en application dans des cours de travaux pratiques. Ce modèle trouve ses limites depuis plusieurs années.
D’une part, le savoir de l’enseignant ne se suffit plus. La massification et la spécialisation des enseignements rendent difficile l’adéquation des profils des enseignants avec la matière qu’ils enseignent.
La nouvelle génération d’étudiants tend à être de plus en plus exigeante et même défiante au regard des compétences et de la légitimité des enseignants.
Ce phénomène s’explique en partie par la profusion de contenu gratuit en ligne de haute qualité scientifique et pédagogique. D’autre part, le recrutement par acquis de compétences a profondément changé les attentes des étudiants.
Le savoir-faire et la multidisciplinarité prévalent sur les connaissances pures. Cette dynamique est renforcée par le besoin de profils pluridisciplinaires, capables de s’adapter, de travailler avec différents experts pour apporter un liant aux dynamiques socio-professionnelles et faire face aux nouveaux enjeux de société de développement durable et responsabilité sociale et environnementale.
Enfin, les “Self-made man” sont des profils de plus en plus recherchés à tous les échelons de la société et de nouveaux écosystèmes prolifèrent tels que les FabLabs, les HackerSpace, Incubateurs de Startups…
Cette nouvelle culture de l’agilité, de l’ouverture et de l’individu accompli séduit de plus en plus les jeunes et les entreprises. Nos établissements de l’enseignement supérieur doivent y trouver leur positionnement.
L’innovation pédagogique au De Vinci Innovation Center
Le De Vinci Innovation Center (DVIC) a été développé pour expérimenter de nouvelles méthodes pédagogiques en accord avec l’évolution du profil apprenant, de leurs attentes et de celles de la société.
Nous avons choisi de repenser le rôle de l’enseignant responsable de la formation, et de renforcer le lien interindividuel avec les étudiants.
Penser l’enseignant comme un accompagnant, superviseur et mentor permet de co-construire une nouvelle relation avec l’étudiant basée sur son rythme et son développement.
Pour cela, notre équipe pédagogique est constituée de Principal Investigators. Ce rôle et cette terminologie, importée du monde anglo-saxon, n’ont pas d’équivalent dans le monde éducatif français.
Nos Principal Investigators sont des chercheurs, responsables de l’intégrité d’un groupe d’innovation et de recherche. Ils sont à la fois garants d’une production scientifique et technique de qualité, gèrent et encadrent les projets des étudiants tout en facilitant les relations et les collaborations entre l’équipe pédagogique et les étudiants.
Chaque groupe est ainsi composé d’un Principal Investigator et de ses étudiants en doctorat, eux-mêmes alumni du programme, formant ainsi le corps professoral auquel s’ajoutent vingt étudiants de niveaux master de formation ingénieur ou designer.
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De l’apprentissage radical à l’Intelligence Collective
Nos enseignements sont conduits sous la forme de workshop, en immersion dans la mise en pratique afin de mobiliser l’attention et de stimuler la curiosité théorique.
Durant l’exercice, chaque apprenant devient acteur favorisant a posteriori la mise en place de classes inversées basées sur des lectures bibliographiques et contenus digitaux en ligne.
Ce format d’enseignement est propice au partage et au renforcement de la dynamique sociale au sein du groupe. Les apprenants ne partagent plus un simple moment d’apprentissage, mais une expérience commune.
La confrontation au monde réel est renforcée par la pédagogie projet qui s’instancie sur trois ensembles tout au long de l’année :
L’Expédition Technologique est un travail de mise en route d’une activité de recherche ou d’une technologie au bénéfice de la communauté DVIC. La thématique de ce travail individuel est laissée au libre choix de l’apprenant (matériaux bio-sourcés, informatique quantique, réalité augmentée…).
L’objectif pour les étudiants est de développer une compréhension fine d’un domaine de leur choix et d’intégrer la méthode scientifique.
Le Projet Quickstarter, en équipe de 4 étudiants, consiste à penser, créer et faire produire à minima 100 produits commerciaux vendus sur la plateforme de financement participatif Kickstarter en moins de 4 mois. Chaque équipe est alors confrontée à la création d’une réelle micro startup.
Au-delà de la confrontation directe au monde de l’industrie, cet exercice renforce la maturité du travail en équipe, la responsabilité et la lucidité dans la conduite d’une startup.
Les Projets d’Innovation sont portés par les Principal Investigators et sont réalisés par l’ensemble du groupe d’innovation composé de chercheurs expérimentés collaborateurs, étudiants en doctorat et en master.
Chacun apporte ses contributions à un ou plusieurs projets en accord avec ses compétences et son expérience.
L’ensemble de l’organisation des enseignements et des activités de recherche et d’innovation est pensé afin de maximiser la mixité des profils et des expériences ainsi que les interactions sociales favorables à la créativité.
L’espace physique joue un rôle capital dans la construction d’une telle dynamique d’intelligence collective.
Les Principal Investigators, les enseignants et les étudiants partagent un même open space, pour leurs bureaux, les salles de cours et les zones d’expérimentations.
Les pièces fermées sont réservées aux manipulations en laboratoire ou à la conduite de réunion. Ainsi, chaque individu porte sa responsabilité quant au bon entretien des espaces, à la gestion du bruit et aux futurs développements.
Cette organisation est un puissant percolateur dans une collaboration socio-éducative. L’établissement scolaire se transforme de la bibliothèque du savoir en un espace culturel de rencontre pour créer une synergie autour de l’envie d’apprendre à l’instar des FabLabs, hackerspace ou incubateurs de startups.
Une nouvelle génération Média, Arts et Sciences
La culture du Média, Arts et Sciences (MAS) est au cœur de nos axes de valorisation des projets étudiants. Les profils d’étudiants très différents, chercheurs, artistes, ingénieurs, designers et autres collaborent sur de mêmes projets.
Ces projets sont alors très riches et au cours de ces deux années d’expérimentation, les vingts étudiants du programme ont produit des résultats étonnants :
- une dizaine de lauréats ou concours étudiants gagnés
- trois expositions dans des festivals d’arts
- trois papiers de recherche classés A ou B
- des collaborations prestigieuses avec MIT et Google
- deux créations de startups
- des financements en moyenne à 250 % sur les six produits Kickstarter lancés.
Au-delà des résultats factuels, les étudiants ont beaucoup changé et ont pris confiance dans leur capacité à impacter le monde ensemble. Désormais, ils partagent une même culture, qu’ils partagent de promotion en promotion.
Nous avons la conviction que l’établissement d’une culture par la communauté apprenante est un vecteur de stimulation dans l’apprentissage à l’instar de la culture d’entreprise.
Le passage à l’échelle du modèle est désormais notre objectif en augmentant le nombre d’étudiants et de Groupes d’Innovation.
Avec un Principal Investigator pour trente étudiants de master et trois thésards, notre objectif est de fonctionner avec trois groupes : Artificial Lives, Resilient Futures et Human Learning. Ces années d’expérimentation en petit groupe fixent les objectifs en termes de production, de qualité et de dynamique sociale.
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