Selon une enquête TIMSS qui a fait couler beaucoup d’encre, les élèves français en CM1 arrivent derniers en maths parmi les pays de l’Union européenne et de l’OCDE. Pour rattraper ce retard, il faudrait réenchanter les cours de maths dans les écoles et lycées en dopant l’intérêt des élèves français pour le calcul.
Une statistique qui fait mal à entendre : la France est classée dernière au sein de l’UE pour les mathématiques dans le classement des CM1, selon l’enquête internationale TIMSS publiée en décembre 2020. Quelles explications donner à ces mauvaises performances ? Comment sauver l’enseignement français des maths ? Pascal Brouaye, directeur général du Pôle Léonard de Vinci, livre son opinion dans une tribune parue dans Les Echos.
Réconcilier les élèves français avec les mathématiques
Souvenez-vous. C’était en décembre 2020. Au moment où le ministère de l’enseignementsupérieur de la recherche et de l’innovation annonce que la reconquête de notresouveraineté est au coeur du Plan pour l’intelligence artificielle qui a été doté de 1,5 milliard d’euros, et des stratégies quantiques et cybersécurité qui seront annoncéestrès prochainement, et de celles qu’il nous faudra aussi impérativement construire dans ledomaine de l’électronique, de la 5G ou encore de la robotique, on apprend que lesécoliers (CM1) et collégiens (quatrième) français sont parmi les plus faibles enmathématiques à l’échelle de l’ensemble des pays de l’OCDE. Avant derniers !
Quelle contradiction entre les ambitions légitimes de ces plans et la réalité mesurée. Quelle stupéfaction également en France, deuxième nation au monde en nombre de médailles Fields et où est né le collectif Bourbaki rassemblant des mathématiciens francophones parmi les meilleurs au monde pour produire des traités de mathématiques modernes.
Dans un article du « Monde » en date du 8 décembre 2020 qui relate les résultats désastreux de cette enquête « Times » réalisée en 2019, il y est indiqué que « la formation initiale et continue des enseignants y est sans doute pour beaucoup ». On y explique que les enseignants du premier degré provenant essentiellement de filières littéraires et de sciences humaines, lorsqu’ils arrivent au niveau master n’ont pas fait de mathématiques depuis plusieurs années.
Une réforme du bac quasi sans math
La réforme du baccalauréat ne devrait pas arranger les choses. « L’Obs » qui titrait le27 novembre 2020,« Comment la réforme du lycée a eu la peau des maths » constate que dans les filières générales, si seuls 8 % des lycéens ne faisaient pas de mathématiques en terminale en 2020, en 2021 du fait de l’absence des mathématiques en tronc commun dans le cadre de la réforme et du choix des spécialités, ce sont 42 % des lycéens qui ne font plus de maths en Terminale.
L’un des objectifs non dissimulés de cette réforme était d’ailleurs de supprimer cette filière S, considérée trop souvent par les lycéens et leur famille comme la seule filière d’excellence même par ceux qui se destinaient à des études non scientifiques. Ne fustigeons cette réforme qui possède des dimensions positives. En particulier, la diversité des spécialités offertes et donc des parcours possibles est une bonne chose. En revanche, mettre les mathématiques au rang de spécialité est une erreur. Elles ont autant leur place en tronc commun que le français et la philosophie car il s’agit de connaissances et compétences fondamentales pour toutes les autres disciplines. Toutes les modélisations, c’est-à-dire les tentatives de représenter des phénomènes complexes ou pas et d’en tirer des éléments permettant des prédictions, des prévisions, des évaluations quantitatives,reposent sur les mathématiques.
Réenchanter le calcul
L’enjeu est bien de redonner le goût du calcul par le plaisir de ce qu’il permet d’atteindre.Car si les élèves de quatrième sont meilleurs en géométrie, il semble que le nombre est unvrai sujet. C’est un enjeu que de réconcilier les élèves avec. Pythagore disait lui-même que « toutes choses sont des nombres ».
Serge Haroche, prix Nobel de physique, parle joliment de ce sujet du calcul dans son ouvrage « La lumière révélée » où il relate l’émergence de son goût pour les sciences quand, alors lycéen, il se réjouissait de pouvoir calculer puis classifier les choses en fonction de ces calculs.
Il constate d’ailleurs que la répulsion pour le calcul qui est parfois devenu une marque de fabrique des Français et dont trop de personnalités influentes se targuent, se retrouve dans l’enseignement de la physique au lycée que les élèves « apprennent comme une leçon de choses ». Il ne leur est plus donné un bagage les rendant aptes à modéliser, à calculer et donc à pouvoir exercer leur curiosité.On ne devrait pas parler de bosse des maths comme d’ailleurs on ne parle de pas de bosse du français pour ceux qui ont une belle plume ou une belle éloquence. Les mathématiques élémentaires ne sont pas des outils de spécialistes et sont nécessaires pour comprendre le monde dans lequel nous vivons. Nul besoin de bosse pour les appréhender.