On aime dire que « les maths, c’est la vie ». Qu’il s’agisse des enjeux planétaires, des nouvelles technologies, ou encore, des fondamentaux du management, les mathématiques et la culture scientifique structurent presque tous les champs de la connaissance. C’est une évidence et ce, depuis des années : faire progresser le niveau en mathématiques des élèves français également est une question de survie.
Comment réenchanter les mathématiques ? Comment faire la part des choses entre le climat dans l’enseignement (avec ses manquements, ses reformes, ses dysfonctionnements) et le besoin croissant du pays en termes de talents scientifiques et industriels ?
Sauver les mathématiques, un combat pour les futurs ingénieurs, mais pas que
Faire réaimer les mathématiques, c’est l’une des ambitions de l’ESILV. Dans son premier livre blanc, intitulé « Tech. Le monde d’après« , le Pôle Léonard de Vinci fait le point sur les perspectives et les défis de l’innovation technologique et l’importance cruciale des mathématiques et de la culture scientifique dans le devenir de la France.
« Même s’ils ne font pas tous une école d’ingénieurs, tous les jeunes doivent comprendre ce qu’est la science« , explique Sébastien Tran, directeur général du Pôle Léonard de Vinci.
Et pourtant, la situation des maths en France ne va pas en s’améliorant. Elle est « très préoccupante et sera catastrophique si nous ne faisons rien », selon Antoine Petit, président du CNRS. Dans une analyse publiée sur le blog EducPro, Sébastien Tran montre pourquoi l’heure est à l’urgence pour sauver les mathématiques au lycée.
Article originalement paru sur Blog.educpros.fr.
Le paradoxe français : mathématiques « je t’aime moi non plus »
De nombreux articles sont publiés autour de l’enseignement et de la place des mathématiques en France, avec une cristallisation sur la réforme du bac et son impact quant au nombre de lycéens qui conservent l’option maths en terminale.
A cela s’ajoute une disparité encore plus grande entre les filles et les garçons avec un écart de niveau qui se creuse dès le CP. Le HCERES a d’ailleurs recommandé dans la synthèse nationale et de prospective sur les mathématiques rendue publique en novembre 2022 aux assises nationales des mathématiques de « mettre en place un programme français pour les mathématiques à horizon 2030 ».
Au-delà du débat éternel sur les moyens consacrés par la France au dispositif d’enseignement qui prend chaque année la lumière avec le fameux classement PISA (la France se classait en 26eme position dans les mathématiques sur 79 pays classés), on peut s’alarmer du décalage entre un discours politique qui met en avant des enjeux stratégiques de réindustrialisation, de positionnement sur de nouvelles technologies, de transition énergétique et un manque à venir important de compétences et de « culture scientifique » dans la population active.
Un constat accablant sur la désaffection des mathématiques, et plus particulièrement marqué chez les filles.
La dernière enquête du Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse montre que 52 % des filles et 31 % des garçons choisissent d’arrêter les mathématiques en enseignement de spécialité au lycée. Rien qu’entre 2020 et 2021 on peut observer un net recul des mathématiques de plus de 3 points et qui confirment une tendance amorcée depuis quelques années.
Dans l’enquête on peut lire que 64 % des élèves de première générale faisaient des mathématiques en enseignement de spécialité à la rentrée 2020. Ils ne sont plus que 37 % en terminale.
On peut se consoler en se disant que 18 % des élèves de terminale choisissent de continuer d’étudier les mathématiques en choisissant l’enseignement optionnel « mathématiques complémentaires » mais cela amoindri le niveau moyen in fine dans la population globale des lycéens quant à la maitrise d’un socle solide en mathématiques.
A cela s’ajoute un effet pervers, à savoir que la baisse du nombre de filles étudiant les sciences au lycée général est particulièrement visible en mathématiques, selon les données de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). En 2021–2022, 55000 lycéennes de terminale faisaient six heures ou plus de maths par semaine, via l’EDS, soit 42% de moins que deux ans plus tôt, via la terminale S.
Ce constat a été confirmé récemment par une étude du collectif Maths&Sciences qui a fait un raisonnement « toute chose égale par ailleurs » étant donné la complexité des changements induits par la réforme du bac en quelques années.
Un élève de terminale avec un profil scientifique est un élève de terminale S en 2019, puis après la réforme suivant une doublette scientifique avec le système actuel (Mathématiques, NSI, Physique-Chimie, Sciences de l’Ingénieur, Sciences de la Vie et de la Terre).
Faire de la France une grande nation scientifique et industrielle : va-t-on vers une impasse ?
Le CNRS s’est penché sur la question du rôle des mathématiques dans l’économie. En 2019, en France, les mathématiques avaient déjà un impact direct sur 13 % des emplois salariés et près de 18 % du Produit intérieur brut (PIB), contre 15 % en 2015. Autrement dit, cela représentait déjà 3,3 millions d’emplois et 381 milliards d’euros de valeur ajoutée, avec une inégale répartition selon les régions.
Le rapport souligne, au-delà des compétences très recherchées en analyse de données, en programmation informatique, etc. « qu’une certaine culture scientifique est jugée indispensable pour les salariés des milieux techniques comme non techniques ». La directrice de l’AMIES (Agence pour les Mathématiques en Interaction avec les Entreprises et la Société) illustrait parfaitement ce point.
« Être capable de mettre des chiffres derrière des faits, de détecter une anomalie et d’anticiper les problèmes sont des compétences valorisées ».
La France doit faire face à des problématiques socio-économiques de plus en plus complexes et elles ne peuvent être résolues qu’avec des compétences scientifiques pointues et une culture scientifique dans une grande partie de la population.
L’exemple récent de la pandémie a montré le rôle fondamental des mathématiques dans la modélisation de la propagation du virus et la réticence d’une partie de la population sur la vaccination d’un manque de culture scientifique au sens large.
A cela s’ajoute le fait que le développement de certaines avancées technologiques et scientifiques (IA, cybersécurité, informatique quantique, nanotechnologies, Web 3, etc.) repose également sur une approche interdisciplinaire et que le dialogue ne peut se faire qu’à partir du moment où l’ensemble des acteurs parlent un « même langage » et mettent les mêmes définitions sur les mots.
Or, les mathématiques constituent un langage commun et universel.
Enfin, et c’est un problème majeur, le fait d’avoir de moins en moins de femmes dans des études scientifiques peut entraîner des effets de biais significatifs dans la conception des innovations et de nouvelles technologies.
De nombreux exemples ont été publiés dans les médias, notamment sur les initiatives de mobiliser de l’IA sur les réseaux sociaux, etc.
Certains acteurs préconisent ainsi de recruter des femmes dans les équipes techniques, voire même d’imposer un %. Encore faut-il avoir suffisamment de candidates !
Télécharger le Livre Blanc : Tech, le monde d’après. Un défi pour l’enseignement supérieur.
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