Appliquer les technologies 3D au domaine médical : c’est le pari qu’ont fait six-élèves ingénieurs derrière le projet M3D. L’objectif : produire des orthèses sur-mesure plus légères et plus économiques que celles produites actuellement par les orthoprothésistes, avec un gain de temps considérable.
Cette initiative a été lancée dans le cadre d’un PING, ou Projet de l’Ingénieur Numérique Généraliste, par un groupe d’élèves-ingénieurs de la promo 2020 : Adrien Lafargouette, Quentin Troubat, David Maziere, Clément Veaux, Saad Ghazzali et Arnaud Toma, tous en première année de cycle ingénieur à l’ESILV.
Arnaud Toma, un des créateurs du projet aux côtés de Saad Ghazzali, revient sur la genèse de M3D et sur ses perspectives.
Les technologies 3D au service du domaine médical
Le projet M3D est, comme son nom l’indique en fusionnant « MED » pour médical et « 3D », un projet d’application des nouvelles technologies de la 3D au milieu médical.
L’objectif est d’arriver à concevoir une technologie alliant le scanner 3D, la modélisation 3D et l’impression 3D, afin de fabriquer des orthèses sur mesure pour les patients atteints de traumatismes articulaires ou nécessitant un tel appareillage.
Une orthèse est un appareillage qui compense une fonction absente ou déficitaire, assiste une structure articulaire ou musculaire, stabilise un segment corporel pendant une phase de réadaptation ou de repos. Elle diffère donc de la prothèse, qui remplace un élément manquant.
Avant tout, il faut savoir qu’il existe à l’heure actuelle deux types d’orthèses : les orthèses génériques et les orthèses sur mesure.
Les orthèses génériques sont vendues en pharmacies sur présentation d’une ordonnance et sont pour la plupart en textiles et disponibles en taille unique. Cela pose plusieurs problèmes, notamment le volume, le poids, l’inconfort liés à une orthèse. Leur taille ne convient pas systématiquement au patient, ce qui peut provoquer un flottement de l’orthèse et donc une perte considérable de l’efficacité de celle-ci.
Pour les orthèses sur mesure, les procédés actuels reposent sur le thermoformage de plastiques sur le membre du patient, qui se voit alors immobilisé pendant la conception de l’orthèse, lors d’un processus très inconfortable. L’autre procédé consiste à utiliser des résines, souvent malodorantes et résultant en un produit très lourd. Ces deux solutions sont coûteuses (environ 850€ pour un orthèse), mobilisent à la fois le patient et l’orthoprothésiste pendant un long moment. En outre, il faut aussi prendre en compte l’impossibilité pour le patient de faire sa toilette avec l’orthèse.
Une orthèse plus légère, plus fine et plus confortable
Le produit développé par notre groupe propose une solution plus complète.
En effet, passées les quelques minutes nécessaires au scan du membre du patient, le patient et le professionnel de santé ne perdent pas de temps pendant la construction de l’orthèse. Celle-ci, grâce à l’impression 3D, est légère, plus fine, et donc plus discrète ; elle peut être portée sous un vêtement pour un plus grand confort esthétique.
Les matériaux utilisés (ABS principalement) sont hypoallergéniques et résistent à l’eau, ce qui permet d’éviter les problèmes d’irritations cutanées ainsi qu’un port de l’orthèse pendant la toilette ou pendant la pratique d’activités aquatiques.
La fabrication de l’orthèse ne mobilise donc qu’une imprimante, qui construit l’orthèse en moins de 24 heures.
Des premiers prototypes au projet de commercialisation
Nous utilisons une grande variété de logiciels, en modélisation 3D notamment où nous avons utilisé Fusion360, CATIA et Meshmixer, car l’extension. stl est traitée très différemment selon les logiciels utilisés.
Côté impression, nous utilisons des Prusa I3 MK2S et le logiciel Slic3r pour paramétrer les impressions en fonction des matériaux utilisés (ABS, PLA, HIPS et NinjaFlex).
Nous avons tout d’abord essayé de créer les premiers prototypes sur de nombreux membres. Grâce au scanner que l’IIM nous a très généreusement prêté, nous avons eu de nombreuses occasions de nous entraîner à paramétrer et à utiliser le scanner. Nous avons finalement convenu que le genou serait à la fois le plus pratique et représentait un challenge suffisamment intéressant pour démontrer la viabilité du projet M3D.
Nous allons continuer à développer ce projet durant les prochaines années. Saad et moi-même (Arnaud), qui sommes à l’initiative du projet, encadrons un projet avec la POC, une association d’étudiants développeurs, afin de développer l’application et le software qui nous permettront de commercialiser notre projet.
Définition des besoins et des cibles
Nous pensons que les orthèses sont un domaine dans lequel les technologies de la 3D ont énormément d’avenir. Il existe d’ores et déjà des applications de l’impression 3D dans le domaine des prothèses, ce qui nous a mis en confiance dans l’idée qu’il s’agissait d’un marché accessible à cette technologie.
Une fois que nous avons eu l’idée générale d’utiliser l’impression 3D pour fabriquer des orthèses, nous avons eu la chance d’obtenir un entretien de deux heures avec le Docteur Lavelle, chirurgien orthopédiste, qui nous a signalé certains éléments manquants et ainsi nous conforter dans la viabilité du projet.
Les orthèses M3D seront vendues aux hôpitaux et cliniques.
Le gain de temps est considérable, car l’orthoprothésiste n’a plus qu’à scanner le membre, ce qui ne prend qu’une dizaine de minutes, au lieu d’au moins une heure pour réaliser le moule, puis le temps nécessaire à la fabrication de l’orthèse.
Au total il faut compter au moins une semaine entre le moulage et les séances d’ajustement, contre une journée pour le scan et la fabrication.
Nous n’avons pas encore estimé précisément le prix de vente d’une orthèse, d’autant que cela dépendra du type d’appareillage, néanmoins le prix des matières premières utilisées est faible, ce qui assure à la fois une marge considérable de notre côté ainsi qu’un prix bien plus intéressant pour la Sécurité Sociale. En effet nous insistons sur le fait que c’est la Sécurité Sociale qui rembourse l’orthèse, à hauteur de 60% à 70% selon les orthèses. Il est donc imaginable que nous puissions obtenir un remboursement complet de notre orthèse si le prix était suffisamment intéressant.
Vainqueurs du De Vinci Start Up Challenge
Suite aux soutenances PING, nous avons présenté le projet M3D à un jury de professionnels, face à neuf autres équipes. Le jury était composé de six personnes du milieu de l’entrepreneuriat (chefs d’entreprises ou personnes travaillant dans le milieu des startups), tous externes au Pôle. Nous avons pitché le projet durant cinq minutes, puis nous avons répondu aux questions des jurés. Nous avons remporté le challenge.
Je pense que nous avons su allier à la fois une idée novatrice et une présentation convaincante. Nous avons su muscler notre présentation en prenant le temps de bien travailler l’aspect financier et cela a plu au jury. Je pense que c’est là le principal critère différenciant, car d’autres groupes avaient de très bonnes idées, simplement peut-être avons-nous plus pris en compte de séduire un jury composé d’investisseurs et non de techniciens.
Intéressé par l’approche learning by doing ? Plus d’informations sur les projets ingénieurs de l’ESILV, école d’ingénieurs généraliste au cœur des technologies du numérique.
This post was last modified on 5 novembre 2019 5:08 pm