Apprendre de Léonard – Partie 4. A l’occasion des 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, les écoles du Pôle Léonard de Vinci reviennent sur les traces du génie pluridisciplinaire dont l’influence est encore ressentie aujourd’hui. Suite de la série « Apprendre de Léonard » avec Jérôme Da Rugna, Directeur Adjoint de l’ESILV.
« Scrute la nature, c’est là qu’est ton futur ». Cette citation attribuée à Léonard de Vinci nous interpelle forcément tant elle semble moderne. Mais, comment, au sein d’une école d’ingénieurs tournée vers l’innovation, pouvons-nous suivre les pas de Léonard de Vinci dans ce lien entre la nature et ses célèbres inventions ?
La machine volante, l’œuvre d’un observateur de génie
Pour se projeter dans cette science qu’est aujourd’hui le biomimétisme, il faut d’abord revenir à la logique même de Léonard de Vinci. Prenons par exemple les machines volantes. Elles sont les plus célèbres de ses travaux « d’ingénieurs », sans doute plus car voler fut une chimère de la société durant de nombreux siècles que pour la reconnaissance de sa démarche scientifique. Or c’est bien cette dernière qui est la plus remarquable tant elle a marqué sa carrière d’inventeur et d’artiste. Il faut remettre ses dessins de machines volantes dans le contexte de l’époque. Les sources d’énergies modernes ne sont pas encore maitrisées ou découvertes, impossible d’ajouter un « moteur » pour propulser l’appareil. Aussi, Léonard de Vinci n’est pas le premier à regarder les oiseaux pour imaginer voler. Le mythe de Icare donne à Dédale quelques siècles d’avance ! On pourrait aussi ajouter que Léonard de Vinci n’a jamais testé ses machines volantes dans la réalité : il ne les a jamais construites.
Pourquoi les travaux de Léonard de Vinci sont-ils si uniques et importants dans l’histoire ?
De mon point de vue pour deux raisons étroitement liées qui étaient l’essence même de Léonard de Vinci. En premier lieu, son sens de l’observation. On disait de lui qu’il était d’une lenteur proverbiale, qu’il ne finissait pas ses œuvres. Il pouvait peindre un jour du matin au soir puis s’arrêter pendant plusieurs jours pour observer, comprendre, analyser… Ce sens de l’observation, était en fait une soif de comprendre qui primait sur toutes les autres activités de Léonard. Ses machines volantes furent inspirées de son étude sur le vol des oiseaux. Là où le commun des mortels s’arrêterait presque aux ailes, aux plumes et à quelques notions de trajectoires, Léonard de Vinci analyse méthodiquement le vol des oiseaux dans ses moindres détails. Dans son codex sur le vol des oiseaux, il note par exemple que le centre de gravité d’un oiseau en vol est distinct de son centre de pression. La prochaine fois que vous regardez un Milan noir voler (l’oiseau étudié par Léonard selon la légende), imaginez le temps et l’intelligence qu’il a fallu à Léonard de Vinci pour arriver à cette conclusion.
La seconde force de Léonard de Vinci était son rapport à la science face à l’expérience. Cela s’illustre dans cette citation: « La natura è piena d’infinite ragioni che non furono mai in isperienza » La nature est pleine d’innombrables causes qui ne sont jamais passées dans l’expérience. Léonard de Vinci nous explique que la pratique sans la science c’est avancer sans barre ni boussole. Il nous rappelle ainsi que l’expérience et l’observation ne doivent pas se faire sans la science mais avec celle-ci afin de la développer ou de la confirmer. Léonard de Vinci avait un immense respect pour le savoir des Anciens et s’est attaché à maitriser de nombreux pans de sciences comme les mathématiques ou la géométrie : sa pratique de l’expérience et de l’observation n’en était que meilleure.
Depuis Léonard de Vinci, la nature a inspiré de nombreuses inventions. Le biomimétisme, ce processus de transfert de la biologie à la technologie a donné de nombreuses avancées scientifiques. En électronique, la bascule à seuil est issue de l’étude de la propagation de l’influx nerveux dans les nerfs de calmars ; plus surprenant, le nautile, mollusque lent et silencieux, a inspiré… les turbo réacteurs. De nos jours, les recherches les plus avancées portent sur l’habitat durable, l’optimisation de l’énergie, de l’eau ou encore dans les secteurs des biotechnologies et des nanotechnologies où la nature a encore d’immenses connaissances à nous apprendre. A nous de former des ingénieurs avec des connaissances scientifiques solides et une soif d’apprendre de l’observation et de l’expérience !
Jérôme Da Rugna, Directeur Adjoint de l’ESILV.
Crédits Photo : Léa Amati