La théorie de l’information, enfantée par Claude Shannon, est une théorie probabiliste qui quantifie l’information contenue dans un signal quelconque.
Matthieu Garcin, enseignant-chercheur en mathématiques appliquées à la finance à l’ESILV et responsable de la majeure Ingénierie financière, et Xavier Brouty, étudiant à l’ESILV dans cette majeure, ont exploré ces derniers mois ce que pouvait apporter la théorie de l’information dans la compréhension des marchés financiers.
Une approche du Groupe Finance basée sur la théorie de l’information
Comme n’importe quel son ou n’importe quelle image, une série historique de prix d’un actif financier est un signal. Celui-ci contient du bruit et de l’information.
Une théorie classique en finance fait l’hypothèse que les marchés sont efficients, c’est-à-dire que toute l’information disponible à un instant donné (évolution des prix passés, informations économiques diffusées par la presse spécialisée, etc.) est déjà reflétée dans le prix actuel.
Autrement dit, on ne pourrait pas utiliser ces informations pour prédire avec plus de 50% de réussite les futurs sens de variation des prix. Ce serait alors une victoire du bruit sur l’information, victoire qui serait plutôt une défaite pour les spécialistes de la gestion d’actif et de l’arbitrage statistique, réduits à suivre la prophétie de Fischer Black[1] : « We are forced to act largely in the dark. »
Cependant, la littérature en finance statistique et en éconophysique tend à montrer que cette hypothèse ne correspond pas à la réalité des marchés financiers dans bien des cas.
En analysant avec la théorie de l’information la distribution de probabilité des variations futures de prix, conditionnellement aux variations passées, Xavier Brouty et Matthieu Garcin ont construit les fondements d’un test statistique pour déterminer si un marché est efficient ou non.
Le démon de Maxwell et la théorie de l’information dans l’efficacité du marché : une perspective de Brillouin
Ils l’ont ensuite appliqué à des prix de divers actifs financiers, fournissant ainsi un outil d’analyse très utile pour le trader qui voudrait construire une stratégie d’arbitrage statistique ou le market maker qui voudrait se prémunir contre des ordres informés.
Et la conclusion empirique est claire : il existe bien des périodes pendant lesquelles des indices actions, même bien établis comme le CAC 40, ne sont pas efficients, offrant ainsi une revanche à l’information contre le bruit.
Xavier Brouty a suivi le parcours recherche, qui permet chaque année à des étudiants de l’ESILV de niveau master de s’initier à la recherche au contact d’un enseignant-chercheur de l’école, et de susciter d’éventuelles vocations pour le doctorat.
Dans ce cadre-là, le projet a donné lieu à un article[2] et a été exposé dans plusieurs conférences, en France et à l’étranger : « A statistical test of market efficiency based on information theory« .
Pour l’une de ces conférences, la 41ème conférence MaxEnt[3], la présentation de Xavier a abouti à un article court qui a été accepté pour publication dans les actes de la conférence : « Maxwell’s demon and information theory in market efficiency: A Brillouin’s perspective ». Un premier pas avant d’autres publications, qu’on lui souhaite nombreuses et de qualité.
[1] Black, F. (1986). Noise. The journal of finance, 41(3), 528-543.
[2] Brouty, X., & Garcin, M. (2022). A statistical test of market efficiency based on information theory. preprint. https://www.researchgate.net/publication/362943858_A_statistical_test_of_market_efficiency_based_on_information_theory
[3] International conference on Bayesian and maximum entropy methods in science and engineering.